Login

Puiseaux, le choix de la valeur ajoutée

« L'équité et la proximité seront toujours nos atouts », affirment Claude Gendrop, le président (à gauche) et Jean-Claude Legrand, directeur en place, depuis septembre 2012..Photos Cédric Faimali

Depuis deux ans, une nouvelle vague souffle sur la coopérative de Puiseaux. Spécialisée en blé améliorant et en orges brassicoles, elle tire son épingle du jeu grâce à la qualité.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Nouveau directeur, nouvelle union... Cette petite coopérative céréalière, située à la frontière entre le Loiret et la Seine-et-Marne, revoit progressivement sa stratégie. Mais le cap est toujours le même : être le prolongement de l'exploitation de ses cent cinquante adhérents actifs. Ancrée dans le Gâtinais, entre la Beauce et la Brie, la coopérative de Puiseaux se démarque en produisant des cultures techniques, à haute valeur ajoutée : les blés améliorants et les orges brassicoles. La collecte de 70 000 t se compose pour moitié de blé (36 % améliorants, 14 % meuniers), pour 36 % d'orges vendues très majoritairement en brasserie, mais aussi de colza pour la filière diester, de pois, de blé dur, de maïs, de tournesol oléique et de lin Bleu-Blanc-Coeur, « car on aime travailler en filière », précise Claude Gendrop, le président et agriculteur à Fromont, en Seine-et-Marne.

Pour stocker toutes les céréales, la coopérative possède un silo central à Puiseaux de 50 000 t et un autre sur les bords du canal du Loing à Nemours pour l'orge brassicole (8 500 t). Pour le reste, elle compte sur le stockage à la ferme. « Nous organisons deux moissons : une l'été et une l'hiver, plaisante le directeur en place depuis septembre 2012, Jean-Claude Legrand. Nos adhérents stockeurs prélèvent un échantillon des récoltes lors de la moisson qu'ils nous remettent. Puis, en fonction de la qualité et des débouchés, nous sollicitons les adhérents pour qu'ils nous livrent au fil de l'année. »

Main mise sur la commercialisation

Lors de la moisson, c'est l'affluence au silo. Cette configuration, sans silo périphérique, oblige la coopérative à organiser la circulation du site (lire le témoignage de Marie-Claude Herblot). Mais sa structure reste légère. « Nos coûts de fonctionnement sont modérés, cela joue sur nos prix d'achat. Notre compétitivité reste forte indépendamment de notre taille », continue le directeur. Depuis trois ans, la petite coopérative propose des contrats d'achat à prix ferme. Mais après une année d'engouement, certains adhérents sont revenus au prix moyen. Cette année, ce sont 85 % des adhérents qui sont au prix moyen que la coopérative fixe en fin de campagne, en fonction de ses ventes.« C'est la preuve que nous sommes performants », ajoute le président.

Puiseaux tient à son indépendance, à sa structure conviviale où les agriculteurs et les salariés s'appellent par leur prénom, où la porte du directeur reste ouverte... Mais pour rester compétitive, et ne pas devenir une proie facile, elle travaille avec d'autres partenaires. Pendant dix ans, elle s'est unie avec Boisseaux et Pithiviers au sein de Beauce Gâtinais Céréales. La gestion commerciale était déléguée à l'union. Mais, le trio s'est séparé. En juillet 2013, Boisseaux et Puiseaux ont rejoint l'Union France Gâtinais Céréales, formée par la Caproga et Ile de France Sud. Agropithiviers reste quasiment seul dans BGC (1). « On regrette ce choix. On aurait préféré que toutes les coopératives du secteur s'unissent », juge Jean-Claude Legrand.

Grâce à son entrée dans l'union, Puiseaux peut bénéficier d'un accès au marché sur la base de gros volumes, 1 Mt de céréales, et accéder à un chargement grosse péniche sur la Seine à Corbeil-Essonnes. La coopérative a également repris la main sur la commercialisation, maîtrise sa mise en marché et discute à nouveau avec ses clients. Un sacré virage !

L'azote, la force des blés

Les blés améliorants sont valorisés en grande partie avec Grands Moulins de Paris qui produit de la farine destinée à la fabrication de petits pains pour McDonald's. En 2011, Puiseaux, avec BGC, a été la première coopérative à s'engager dans un contrat triennal avec le leader de la restauration rapide. Un nouveau contrat est signé pour 2014-2016, avec le double de quantité (4 000 t). Puiseaux travaille également avec Grands Moulins de Strasbourg et la meunerie locale (Matignon, Fouché, etc.). L'orge est valorisée principalement auprès de Malterie Albert et également des Malteries Franco-Belges, Cargill...

Pour arriver à produire des blés de qualité, la coopérative mise sur la technique. Elle ne possède pourtant que deux techniciens. L'un est responsable des achats, l'autre des essais. Ils n'ont pas de secteur attitré, ils effectuent une permanence le matin et se déplacent l'après-midi. Mais les agriculteurs sont très impliqués dans les essais, comme l'explique le président. « Un noyau d'agriculteurs se forme autour d'un sujet, il teste une pratique, puis nous l'appliquons à l'ensemble de la coopérative. » En 2002, Puiseaux a reçu le prix européen Sicco Mansholt, qui récompense des innovations agricoles, pour cette démarche appliquée à l'orge. Le président de la Commission européenne en personne leur a remis le trophée. Depuis, le travail continue notamment sur la fertilisation, la clé de voûte des blés améliorants. Plusieurs itinéraires techniques sont testés, les engrais minéraux sont remplacés par les engrais organiques, quatre fractionnements de l'azote sont recommandés et différentes variétés de blé de force sont testées, comme des variétés suisses, qui valorisent mieux les protéines. La problématique de l'azote a également poussé la coopérative à développer des bilans azotés et des analyses « Jubil », sur la méthode d'Arvalis. Marie-France Poisson en réalise près de 500 par an.

Malgré toutes ces actions, Claude Gendrop ressent un manque de reconnaissance de la part de ceux qui nous gouvernent. « Ils ne se rendent pas compte de tout ce qui a été fait. La notion d'environnement pèse fort sur nos productions. Les bassins de captage, par exemple, peuvent remettre en cause les blés de force. On a pourtant besoin des blés améliorants français, qui possèdent une traçabilité excellente. En deux heures, on peut trouver la parcelle de blé qui a servi à fabriquer un pain ! »

Côté agrofournitures, les agriculteurs du secteur apprécient particulièrement l'ammonitrate 33,5 % pour blés améliorants. Le magasin d'engrais (2 800 t), qui est situé sur l'unique site de la coopérative, a modifié le classement du site (Seveso seuil bas) depuis 2004. « Nous n'avions pas la capacité de faire toutes les mises aux normes d'un seul coup. Nous les avons réalisées progressivement et depuis deux ans, nous sommes même en avance sur certains critères », souligne le président.

Pour l'approvisionnement en engrais et en phytos, Puiseaux fait toujours partie de l'union Beauce Gâtinais Céréales Appro, avec Boisseaux et Pithiviers. L'union est membre de la centrale d'achat Sicapa, qui regroupe treize coopératives.

La qualité de A à Z

Pour maîtriser la qualité de ses blés améliorants et de ses orges, la coopérative propose des semences certifiées à prix coûtant. Cette démarche est possible, car la station de semences, construite avant les années soixante-dix, est amortie et que les variétés sont peu nombreuses. « Nous produisons la quasi-totalité des semences certifiées utilisées par nos adhérents et les semis se font à 94 % avec des semences certifiées, souligne Jean-Claude Legrand. Cela nous assure une pureté variétale dans nos filières. » Pour répondre à la réglementation qui oblige les stations de semences à posséder un laboratoire agréé à partir du 1er juillet 2014, les dirigeants se rapprochent de la Caproga, la coopérative voisine, qui en possède un. « On fait appel à l'Union ! Nous sommes indépendants, mais partenaires. Cela nous évite un investissement important », avoue le directeur.

Pour les prochaines années, le président et le directeur sont confiants. « Nous avons des outils de travail de proximité, performants au service de nos adhérents et tant que nous respectons bien l'équité et la transparence entre tous les adhérents, nous pouvons dormir sur nos deux oreilles ! »

Aude Richard

(1) BGC est également composé de deux négociants : la SA Boudet et la SA CéréBeauce.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement